A Mons, BEN FRANKLIN

Vétéran de la 1st US Infantery Division

 

(article repris du bulletin du Royal Mons Auto Moto Club, Numéro spécial de juin 2002 - les photos ont été prises en Normandie lors de la première rencontre avec Ben, ensuite à MONS - Tous ces documents peuvent être utilisés en mentionnant la source.  

 

Il y a un mois, J-C Busine, Freddy Janssens et moi-même (1) recevions un courrier des Etats-Unis émanant de Ben Franklin: "…Le but de ma visite est de dire adieu à mes merveilleux amis belges…Je voudrais une dernière fois rendre visite à la maison où j'ai stationné en 1944"

En juin 1995, un vendredi de Ducasse, Benjamin Franklin, débarquait à la gare de Mons accompagné de son fils. Son but, retrouver un "spot", un endroit, qui l'avait cruellement marqué lors de la Libération de Mons: Obourg - St Denis.


N'ayant plus que quelques vagues souvenirs et informations sur les lieux, Ben s'adresse au réceptionnaire de l'hôtel où il résidait qui lui conseilla de s'adresser au Royal Mons Auto Moto Club!

 

Pourquoi au Royal Mons Auto Moto Club! 

 

De par ses origines, le Royal Mons Auto Moto Club, association à destination sportive et mécanique auto moto n'avait pas de lien avec des faits militaires qui s'étaient passés 50 ans plus tôt à la libération de Mons, mais L'histoire remonte à la libération. Le 2 septembre 1944, un char léger de reconnaissance, un Stuart baptisé

"Fish'n Chips" sous le commandement du Major TUCKER entrait en ville. C'était le premier blindé de la Libération. Avec lui, le 83ème bataillon de reconnaissance de la 3ème division blindée entrait à Mons.


Le Major Tucker signait le livre d'or à l'hôtel de Ville et laissait ainsi une trace indélébile de son passage. Identifié par un échevin de l'époque, qui avait relevé le numéro d'identification du char, Fish'n Chips, était récupéré en 1946 et terminait sa vie comme "pot de fleurs" au jardin du Mayeur, non sans être régulièrement cannibalisé par les pompiers de Mons qui s'approvisionnaient en pièces pour maintenir en état leur ambulance (qui possédait le même moteur).

 

En 1984, la section Véhicule Historique du Royal Mons Auto Moto Club approcha l'échevin Hamaide afin d'obtenir l'autorisation de réparer et remettre en état le "char du Jardin du Mayeur".


Le challenge était conséquent: retrouver des moteurs, des chenilles, boîtes de vitesse, etc...d'autant plus que personne au club n'avait de connaissance mécanique en blindé militaire! 

 

En 1989, grâce à Jacques Dewilde, J-C Busine et moi-même (1) ainsi qu'une formidable équipe de mécanos, le challenge était relevé par la section "Véhicules Historique du Royal Auto Moto Club" et Fish'n Chips pouvait de nouveau rouler et libérer Mons tous les 2 septembre. La renommée du Royal Auto Moto Club

largement relayée par les médias laissait des traces dans la mémoire des Montois. C'est ce même "Fish 'n Chips" qui allait ouvrir le "Liberty Convoy" à Washington, D.C. le 4 juillet 2.000, rendre visite au Major Tucker à Richmond et James Carroll à Brewton.


Un événement unique dans l'histoire des véhicules WWII de collection.

 

Mais quel événement a si cruellement marqué Ben à Mons? (Ph. SAVE) 

 

Nous sommes le 5 septembre 1944. Le "gros" de la bataille de Mons (3 septembre) est passé. Les Américains sont là…mais il reste une bonne quantité d'allemands qui cherchent à fuir vers l'est pour rejoindre "die faterland" Ce mardi 5 septembre, M. Claeys résistant de l'AS est averti que 6 allemands ont été repérés du côté du boisSt Macaire

(Obourg/St-Denis). Il se rend prudemment sur les lieux accompagné entre autres de Jules Mambré, Philippe Duquesnes et Victor Gosse. Les Allemands sont là, bien avant le bois et plus nombreux que prévu. Echange de coups de feux et repli prudent des résistants. Malheureusement, Jules Mambré quitte sa position abritée pour franchir une haie. Une balle allemande l'atteint au foie. Il est tué sur le coup. Claeys, jouant de ruse, au nez et à la barbe des Allemands parviendra à évacuer le corps de son ami.

 

Mais au même moment, il se passe bien d'autres choses dans la région de St-Denis/Gottignies. Le fermier Roisin averti la résistance (en la personne de Jacques Bernaert) qu'un groupe estimé à 300 allemands sont aux alentours du bois du Bequeront. En fait, les Allemands se sont déjà déplacés vers le bois Mairesse. On peut facilement comprendre que les allemands font des sauts de puce, de bois en bosquets, évitant les endroits découverts, toujours vers l'est. Thieusies, le Roeulx, Charleroi, Liège, L'Allemagne, leur rêve, leur patrie.

 

Les Américains sont sur la rive gauche du canal, à Obourg. Il s'agit d'éléments de la compagnie A du 16ème régiment de la 1ière Division "Big Red One". Un de ces Américains est le sergent Benjamin Franklin.


Les Allemands, de leur côté, sans doute pour protéger leur retraite, ont pris des otages parmi la population d'Obourg, St-Denis et sans doute Gottignies. Un témoin nous fait part d'un groupe de 15 otages. Ben Franklin et son groupe quittent leur position d'Obourg pour se diriger vers le bois Mairesse, via St-Denis.


D'après Ben, l'officier du groupe demanda des renforts de chars afin de débusquer les Allemands avant de faire intervenir l'infanterie. Freddy Janssens un résistant à l'époque nous confirme que les véhicules venaient de Nimy, par la chaussée de Bruxelles pour atteindre St-Denis où ils s'arrêtent au bas de la route qui conduit à Thieusies.


Selon le témoignage de Mm Rachel le Lardinois, les Américains se sont arrêtés avant d'aborder le bois de Becqueront, croyant erronément que c'était dans ce bois que les Allemands étaient réfugiés. La résistance précise aux Américains que les Allemands sont plus loin, dans le bois Mairesse.


La colonne se remet en route et 3 ou 4 chars prennent position devant et sur les côtés du bois.


Ils ouvrent le feu en tirant "au-dessus des têtes" de façon à éviter de toucher les otages civils tout en forçant les Allemands à sortir. Et les Allemands sortent. Ils sont nombreux.


La situation est trouble.


Veulent-ils engager le combat ou se rendre? Dans le trouble de l'action, le sergent Ben Franklin donne l'ordre d'ouvrir le feu. Rapidement, il se rend compte qu'il fait tirer sur des soldats qui se rendent et qui sont particulièrement jeunes.


Il y a des blessés dans les rangs allemands et un maximum de 5 tués dont deux sont enterrés sur place, selon les dires de Freddy Janssen.


Ben Franklin à l'impression d'avoir commis un massacre alors qu'il n'en est rien.


Cette idée l'obsède depuis 58 ans.


C'est la raison pour laquelle il reviendra à St-Denis le 15 juin prochain.

 

Peut-être Ben revient-il pour s'entendre dire qu'il n'a commis aucun massacre et qu'il s'agit "simplement" d'un fait de guerre?

 

Des 300 allemands estimés sur le site du bois Mairesse, près de la moitié s'enfuiront et seront tout de même capturés au Roeulx, par la résistance. Leur rêve s 'arrête là… Ben continuera avec son unités vers Charleroi, Liège et Aix-La-Chapelle.

 

Mais comment Ben s'est retrouvé à Obourg?

 

Lorsque Pearl Harbor fut attaqué, Ben alors âgé de seize ans, était employé dans une épicerie où il gagnait 7$ la semaine. Ben pris alors une décision qui allait bouleverser sa vie. Il s'engagea dans l'armée pour gagner 21$ par mois et simultanément sa mère en recevrait 30$. Ben fut envoyé à la première Division d'Infanterie (appelée Big Red One) où l' "Army " le format comme mitrailleur!

 

Ben suivit un parcours peu commun: le 16 octobre 1942, il débarquait en Algérie où il dû combattre les forces de la Légion françaises alors alliées à l'Allemagne(!)


Le 10 juillet 1943, Ben a 19 ans et débarque en Sicile, débarquement qui lui donnera l'expérience qui le sauvera en Normandie tombé à l'eau avec son lourd équipement il apprit qu'en pareille situation, il fallait mieux se débarrasser au plus vite de son équipement afin d'éviter de couler à pic.


En octobre 1943, la campagne de Sicile était terminée pour la "Big Red One" et la Division était transportée à Dorset en Angleterre pour un roisième débarquement!

 

Soldat Ryan avant l'heure

 

Le 6 juin 1944, à l'aube, Ben était supposé toucher les sables d'Ohama à 06h45… A 7km, de la plage, Ben quitte le bateau qui l'avait amené d'Angleterre pour embarquer sur sa barge de débarquement.


A 1.800m de la plage, sa barge heurta une mine ou fut touchée par l'artillerie. Ben fut projeté en dehors et tomba à l'eau.


La même mésaventure lui étant déjà arrivée en Sicile.


Ben savait qu'il devait se défaire le plus rapidement possible de son (trop lourd) équipement et nager vers la plage. Dès qu'il l'eut atteint, il essaya vainement de repérer les trous d'obus qui auraient dû être provoqués par l'artillerie lourde Américaine.


Mais les obus étaient tombés trop loin à l'intérieure des terres et en fait de protection il n'y avait que les pieux des barrages anti-chars plantés dans le sable. Ben avisa un de ces énormes pieux et s'abrita derrière. Combien de temps? Il ne le sait plus très bien.


Peut-être jusqu'à 08h00 ou 09h30??? A présent, 600m le séparaient des falaises de béton construites par les Allemands.


Ben rampa prudemment jusqu'à la muraille de béton qu'il réussit à atteindre. Là, à l'abri du mur, il se sentait plus en sécurité. Les tirs d'armes ne pouvaient plus l'atteindre.


En quelques heures, Ben assista impuissant à la mort de 972 de ses compagnons d'unités.


Un total de 2.500 hommes perdirent la vie devant lui à Ohama Beach. Vers 13h00, Ben réussit à gravir "le mur de l'Atlantique" et retrouva ses compagnons qui avaient conquis le mur.


Ben avait mis cinq heures pour avancer de 600 mètres.

 

Jusque fin septembre 1944, il participa à la libération de Mons. A la prise d'Aix-la-Chapelle et aux combats dans la sinistre forêt d'Hurtgen.

 

Fortement éprouvée , la Division fut envoyée "en repos" à Malmédy.


Malheureusement, en fait de repos, la Division fut envoyée d'urgence dans la région de Faymonville pour contrer l'offensive Allemande dans les Ardennes!


Ben terminera la campagne d'Europe en 1945 en Tchécoslovaquie.

 

Des 17.000 hommes, que la Division comprenait en 1942, Ben faisait partie des 2.500 hommes encore en poste en 1945.

 

Depuis plusieurs années, Ben est chargé de cours à l'Université de Knoxville (Tennessee) et accompagné de jeunes étudiants sur les plages de Normandie. C'est là que nous allions le retrouver…

 

La suite, comme chaque année, les collectionneurs du "Colli-Mateur" organisent leur pèlerinage en Normandie.


Cette année nous avions une dizaine de véhicules qui ont sillonné toute la région.


Dont un arrêt sur la tombe du soldat Eivind R. BERGE que le 1er Groupement Belge du Centre fleuris chaque année.

 

Nous avions rendez-vous avez les motards de MONS pour rencontrer BEN et ses étudiants.


Une grande ballade à la découverte des lieux historiques. Pour ces jeunes -ils ont l'âge de ceux qui ont débarqué le 6 juin 1944- cela a été très certainement une expérience unique.


Rouler en Jeep en Normandie cela a quelque chose d'unique qu'ils n'oublieront certainement pas...


(1) Pierre DEGHAYE

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