Paul Lion


On pourrait produire un film retraçant la vie de chacun des Vétérans que nous avons rencontrés. Ils sont toujours assez réticents lorsqu'on leur demande de "raconter leur guerre. Si l'un d'entre eux accepte, son témoignage est d'autant plus précieux.

 

James W. CARROLL est officiellement reconnu comme étant "le premier Américain" entré à Bon-Secours. C'était le dimanche 3 septembre 1944. Cependant, dès le 2 septembre les forces de la 5th Armored Division étaient déjà dans la Forêt de Bon-Secours. Des Péruwelziens étaient même allés à leur rencontre…C'est d'ailleurs sur cet espoir de l'arrivée de nos Libérateurs que la tragique méprise du 2 septembre au soir s'est déroulée. Des jeunes de la résistance entendant les pas d'une patrouille sont allés à le rencontre de soldats en armes…Ils étaient allemands.

 

Quand on est jeune, quand on dispose d'un véhicule, quand on est si proche de son pays…On a envie de le revoir, on cherche aussi "de la bière et des filles". C'est ainsi que Paul et son "caporal Canadien" se sont aventurés à l'orée de la Forêt de Bon-Secours dans la soirée du 2 septembre. Nous avons retrouvé l'endroit en mai dernier, avec Paul. Le café du "Tapis Vert". C'est là que le "premier soldat de l'U.S. Army" est entré à Péruwelz…C'était un Belge. Quelqu'un se souvient-il de cette soirée au "Tapis Vert" durant laquelle un GI canadien a chanté "Alouette, gentille Alouette" ? Il y avait de la bière mais pas de filles…Les Péruwelziennes étaient-elles tellement sages à l'époque ?

 

Il y a deux faits -parmi tant d'autres- que Paul ne conte cependant pas dans son histoire…

 

Lorsque la Belgique a été libérée, nos gouvernants ont voulu reconstituer son armée. Dans cette démarche, ils ont tenté de récupérer les Belges combattant sous l'uniforme allié. Afin de maintenir la position de quelques hauts gradés, une dérogation leur permettait de continuer le combat dans les unités alliées s'ils y participaient avant la libération du territoire. Notre ami Paul LION a été appelé dans un bureau de l'armée belge à Bruxelles. Il a bien entendu souhaité continuer le combat avec ses amis américains. Cela était possible grâce à la dérogation. En quittant le bureau, le gradé lui a demandé où il était…La réponse vaut pour tous les planqués: "là où vous ne serez jamais, mon major: sur la ligne de front!" Je vous laisse deviner la suite…

 

Autre fait de guerre…Au moment où la 5th Armored Division réalisait la première percée du front et pénétrait en Allemagne. Alors que Paul devait normalement conduire sa Jeep vers les lignes ennemies, le sergent désigne à sa place un jeune soldat, tout juste arrivé au bataillon. Paul tiendra la mitrailleuse. Au moment de monter en ligne, le lieutenant le remet au volant, vu sa plus grande expérience de la conduite, le nouveau prend la mitrailleuse. En montant vers une maison, sans fenêtres ou portes visibles, ils ne peuvent apercevoir une mitrailleuse cachée dans la toiture. Une rafale coupe en deux le servant de la mitrailleuse…

 

Souvenirs transmis par Paul LION…

 

Octobre 1940

 

Je conduis un camion gazogène pour le dépôt de la firme Chaudfontaine.

 

Octobre 1942

 

Je reçois une convocation pour aller travailler en Allemagne. Je rejoins alors les réfractaires en Ardennes.

 

Décembre 1943

 

Début du mois je suis arrêté sur dénonciation.

 

Décembre 1943-mars 1944

 

Prison de Namur : Forest puis Camp de Bourg-Léopold. Je suis condamné pour un camp disciplinaire.

 

Mars 1944

 

Départ en Wagon à bestiaux pour la France. Les wagons sont incorporés dans un convoi SS en route vers la France. Le voyage n'est pas de tout repos. Enfin arrivée dans un camp près de Valognes. Une chance ! Nous sommes gardés par des hommes de l'aviation qui n'ont qu'une crainte : partir pour la Russie. Travail: déblaiement des installations militaires, enlèvement des bombes d'avion à retardement ou pas éclatées. Le 6 juin, le ciel nous tombe sur la tête. Les G.I. arrivent.

 

Vers le 15 juin

 

Nous sommes délivrés par les G.I. 3 jours après, je conduisais un camion dans une compagnie de transport US.

 

Vers le 25 juillet

 

Je rencontre sur la plage Utah, une jeep conduite par un G.I. canadien, donc parlant bien le français. Apprenant que je suis Belge, il me dit de venir avec eux pour retourner en Belgique. Avec l'accord tacite du Capitaine de la compagnie HG du 81 Tank BN, je suis enrôlé comme éclaireur au peloton de reconnaissance du 81e Tank. C'est la campagne de France. 4 jours de repos le 26-08-44 et la traversée de Paris par la division. Ce fût 4 jours de nouba.

 

Le 1er septembre 1944

 

Nous sommes près de Condé, je suis convoqué à la division pour recevoir mes plaques d'identité (dag-taxe pour les G.I.) et les documents prouvant que je suis affecté au 81 TANK officiellement. Tout cela grâce à mon Colonel et à un officier de liaison, et me voilà reparti pour la suite de la guerre. Belgique , France, Grand-Duché de Luxembourg et entrée en Allemagne le 14-09-44. Je crois que je suis un des premiers Belges sinon le premier, dans la ligne Siegfried, puis la suite jusqu'à l'Elbe et nous nous arrêtons par ordre à 70 km de Berlin.

 

Notes personnelles

 

1) Ce qui fût le plus dur, c'est l'affreuse bataille de la forêt d'Hurtgen, 15 jours de combat dans le froid et la neige, 3 jours pour la prise du village. Pris, perdu 3 fois puis repris pour du bon. Notre infanterie au CCB, la 15e, au bout de 15 jours de bataille, nous constatons que sur 18 officiers et 735 hommes il reste seulement 4 officiers et 170 hommes. Pour nous, sur 54 tanks, il en restait 17 en état de marche. Je crois que la forêt d'Hurtgen fut pour nous un très mauvais souvenir.

 

 

2) Une grande fierté d'être la 1ere division à se battre en Allemagne à partir du 14-09-44 et déçu d'avoir été arrêté par ordre à 70km de Berlin. En 2 jours on aurait pu être les premiers Américains à Berlin, mais voilà, les ordres sont les ordres. Je suis fier d'avoir appartenu à la 15e Division Blindée, certainement une des meilleures de l'armée. Si c'était à refaire, je le referais tout de suite car pour moi, mon drapeau, c'est le gage de liberté et je suis fier d'être Belge. Pour moi en 1940-1944, il était préférable de mourir debout que de vivre le reste de ma vie à genoux. Je crois que beaucoup de Belges sont ingrats et oublient vite ces gars qui n'en avaient rien à foutre de la Belgique et qui sont venus se faire tuer en Europe pour nous délivrer et réparer les conneries du monde politique d'avant guerre et cela n'a pas changé, ils sont toujours pareils. Les premiers pour se remplir les poches et les derniers pour se faire tuer pour le pays.

 

 

3) Un dernier mot : le 27-07-44, le peloton comptait 1 officier et 20 hommes à part moi et le 08-05-45 il y avait encore 1 officier et 7 hommes

REMEMBER DAY © 2014